Sindbad PUZZLE

Retrouvez des chefs-d'oeuvre de la miniature persane et indienne en PUZZLES sur le site : http://www.sindbad-puzzle.com/

mercredi 29 décembre 2010

Dr Paul Carton : Le rôle capital de l'hygiène alimentaire



"Le régime alimentaire bien compris est la cause prédominante de la santé et le levier principal de la guérison, parce que le mode d'excitation et de nutrition le plus important s'effectue par les voies digestives.
L'erreur alimentaire est à la base de toutes les maladies. Les affections aiguës, en effet, sont toujours précédées d'une série de troubles digestifs prémonitoires (perte d'appétit, mal de tête, fermentations, aigreurs, nausées, vomissements, diarrhée, constipation, etc...) et les maladies chroniques apparaissent secondairement à des affections sérieuses des voies digestives (jaunisse, gastrite, entérite, appendicite, fièvre typhoïde). Enfin, de toutes les maladies, les plus fréquentes sont celles qui atteignent les organes de la digestion. Les cancers des voies digestives sont, entre autres, de beaucoup les plus nombreux.
Or, l'alimentation préconisée et suivie de nos jours constitue un défi au bon sens et une hérésie scientifique. En effet, la nourriture copieuse, trop carnée, trop concentrée, que tout le monde recherche par préjugé ou par ordonnance, est la source la plus considérable des maladies arthritiques et infectieuses, parce que la suralimentation et les aliments trop forts épuisent les forces vitales en les surexcitant à l'excès, brûlent les voies digestives et les émonctoires par le travail de combustion démesuré qu'ils exigent, salissent les humeurs et, enfin, empoisonnent par les déchets toxiques, auxquels ils donnent naissance. Certes, sur le moment, le régime dit "fortifiant" fait trépider les nerfs et les muscles, pousse à la graisse, congestionne le visage et confère les apparences de la santé ; mais, les forces ainsi gaspillées, les tissus rouillés par la graisse, le système cardio-vasculaire distendu par la pléthore produisent, une fois la phase de tolérance dépassée, des encrassements organiques, des scléroses multiples et des ruptures vasculaires, en un mot, du vieillissement prématuré de l'organisme. En matière de régime, comme en toute chose d'ailleurs, c'est donc faire preuve d'un aveuglement extrême que de considérer seulement le résultant immédiat et momentané, sans jamais examiner les déterminations tardives. C'est pourquoi on ne saurait trop répéter que : plus on mange, moins on a de forces ; plus on mange, plus on s'use et plus on s'empoisonne."

Paul Carton, Le Décalogue de la Santé, Librairie Le François, 1941

Barjavel : Hommage au Dr Paul Carton (2)

Dr Paul Carton, La cuisine simple, Librairie Le François

"J'ai raconté dans le Journal d'un homme simple, comment, en suivant les prescriptions de bon sens de la médecine cartonienne, je m'étais guéri tout seul, sans un milligramme de médicaments, en quelques mois, d'une grave attaque de tuberculose, alors maladie mortelle. Je savais pourquoi j'étais malade, j'ai supprimé les causes, la maladie s'est évaporée.
La médecine d'aujourd'hui sait de mieux en mieux combattre les maladies, mais plus du tout comment empêcher les bien-portants de devenir malades. Il lui faudra beaucoup oublier et beaucoup réapprendre pour devenir la médecine de demain, celle que nous espérons. Ce devrait être une harmonieuses synthèse des principes de la médecine hippocratique-cartonienne, et des moyens efficaces de la médecine moderne."

René Bajavel, Demain le paradis, Denoël, p. 35

Barjavel : Hommage au Dr Paul Carton (1)

Dr Paul Carton (1875-1947)

"Je l'ai [Dr Paul Carton] rencontré, une fois. Jeune père, je ne comprenais pas pourquoi mes deux enfants (dix-huit mois et six mois) ne sortaient d'une otite que pour entrer dans une rhinopharyngite ou vice versa. Ils étaient surveillés par un excellent pédiatre dont nous suivions méticuleusement les conseils alimentaires. Et ils continuaient d'être malades et de souffrir. C'est à cette époque que je perdis le sommeil. Je guettais dans la nuit le premier pleur de ma fille ou de mon fils. Je sautais aussitôt hors du lit pour prendre mon bébé dans les bras, le bercer, lui parler doucement, essayer de le calmer et de le distraire de son mal. Il continuait de pleurer en frottant son oreille de son petit poing fermé. La souffrance d'un enfant est horrible. Il ne sait pas, il ne comprend pas, il subit cette chose atroce qui s'est installée en lui et le déchire, et les parents ne peuvent rien faire pour le soulager. J'aurais voulu prendre son mal, souffrir de la tête aux pieds pourvu qu'il fût délivré. Mais ce genre de substitution ne fonctionne pas. C'est dommage.
Ma femme me relayait jusqu'à ce que, épuisés tous les trois, nous sombrions dans le sommeil. D'où nous tirait une nouvelle morsure de la bête tapie dans la petite tête, et le cri stupéfait de sa victime...
Au matin, le pédiatre alerté accourait et perçait le tympan. Tout le monde était enfin soulagé ! Le petit malade retrouvait le sourire. Ses parents aussi. Trois jours après, c'était l'autre oreille...
Un ami me conseilla de consulter le Dr Carton. Il habitait Brévannes et recevait peu de clientèle. Je lui écrivis pour lui demander rendez-vous. Il me répondit de lui envoyer d'abord la liste minutieuse de toutes les nourritures et boissons avalées par nos enfants pendant une semaine. Ce que nous fîmes. Puis nous lui conduisîmes les bébés.
C'était un homme d'aspect sévère, pourvu d'une longue barbe blanche. Il nous reçut dans son bureau un peu sombre, nous fit asseoir, prit sur la table une feuille de papier sur laquelle je reconnus mon écriture - c'était ma "liste alimentaire !" - , l'agita vers nous, et prononça ces mots que je n'oublierai jamais :
- Vous êtes des assassins !
C'était excessif, mais exact. Nous étions en train, en suivant les conseils de la pédiatre moderne, non pas de tuer nos enfants qui avaient une solide résistance, mais de les torturer, en croyant agir pour leur bien.
Il nous garda plus d'une heure, pour nous expliquer l'évidence, nous conseilla de lire deux de ses livres, nous dit le prix de sa consultation, qui était élevé, et s'en excusa en précisant qu'il prenait cher parce qu'il ne revoyait plus ses clients...
- Vous n'aurez plus besoin de me consulter.
C'était vrai. Nous suivîmes ses prescriptions, qui ne comportaient aucun médicament, et nos enfants ne furent plus jamais malades. Nous les avions tout simplement remis à un régime naturel et de bon sens.
C'était à la fin des années 30. Il était de mode, alors, d'administrer trop tôt aux bébés des nourritures trop riches. Leur organisme ne pouvait pas les assimiler, accumulait les toxines, et s'en débarrasser au moyen de maladies qui étaient des crises de "nettoyage". Je crains que cette mode ne continue, quand j'entends, l'hiver, des jeunes mères parler d'otites...[...]
Carton a réinventé la nourriture et la médecine naturelles. Il les avait baptisées "naturistes". Il a rejeté ce mot avec horreur quand le naturisme est devenu synonyme de nudisme! Pendant qu'il se battait contre les laboratoires pharmaceutiques, contre les industriels du sucre et des bonbons, contre les pontes de la médecine classique, des hommes astucieux commençaient déjà à le piller, de son vivant.
Dans son livre essentiel, La Cuisine simple, il n'est pas un seul menu qui ne comporte une salade de légumes crus. C'était avant l'invention industrielle des "vitamines". Un de ses élèves est devenu milliardaire et célèbre en fabriquant des produits dits "diététiques" qui se vendent dans le monde entier. Il n'a jamais cité le nom de son maître. Tous les "diététiciens" et les "nutritionnistes" - quels mots horribles! - l'ont piraté, lui prenant quelques miettes de vérité qu'ils ont mélangées à des montagnes d'erreur pour les commercialiser.
Les innombrables boutiques qui vendent aujourd'hui des produits dits "naturels" ou "de régime" ont germé sur le cartonisme, se nourrissant de lui sans même le connaître.
Carton est mort pauvre, toujours furieux, toujours combattant. Il avait fait une chute de six mètres alors qu'il cueillait des cerises. Côtes brisées, décalcifié, colonne vertébrale tordue, il s'enferma dans un corset aux baleines de fer, pour pouvoir continuer à recevoir un client par jour, et rester utile jusqu'à sa fin."

René Barjavel, Demain le paradis, Denoël, pp. 31-3

mardi 28 décembre 2010

Bertrand Russell : Intelligence in the Gospels


"As far as I know, there is not one word in the Gospels in praise of intelligence".

Bertrand Russell, in "Has Religion made useful contributions to Civilization ?"

Marilyn Manson on Satanism


Marilyn Manson avec Anton Szandor LaVey, fondateur et grand prêtre de l'église de Satan

"The doctor was the preferred name of Anton Szandor LaVey, founder and high priest of the Church of Satan. What nearly everybody in my life had misunderstood about Satanism was that it is not about ritual sacrifices, digging up graves and worshipping the devil. The devil doesn't exist. Satanism is about worshipping yourself, because you are responsible for your own good and evil. Christianity's war against the devil was always been a fight against man's most natural instincts - for sex, for violence, for self-gratification - and a denial of man's membership in the animal kingdom. The idea of heaven is just Christianity's way of creating a hell on earth."

Marilyn Manson, The long hard road out of hell, Plexus, p. 164

lundi 27 décembre 2010

Marilyn Manson : "The long hard road out of hell"



Avis personnel :

Je ne suis pas un fan de Marilyn Manson. Ni du personnage, ni du groupe. A part deux ou trois chansons de ce groupe et le fait qu’il joue du Metal, je ne connais pas grand chose de lui. Je dois même dire que c’est un groupe que je n’apprécie guère même si je trouve leurs reprises de quelques tubes (Sweet Dreams, Tainted Love) superbes, surtout le clip vidéo de Sweet Dreams.
J’ai pris ce livre tenté par les critiques élogieuses des lecteurs et de la presse mais aussi parce que je voulais découvrir la vie de Marilyn Manson, son enfance, son adolescence, ses influences musicales, et voir comment il a construit son personnage. De plus, lire une autobiographie, c’est également pour moi un moyen de pénétrer dans une société et la voir vivre de l’intérieur. Les rock-stars sont généralement issues des classes moyennes ou défavorisées et en lisant leurs autobiographies, on entrevoit la vie quotidienne et les problématiques de cette classe moyenne qui constitue toujours la couche la plus large d'une société.
En regardant la couverture et en feuilletant le livre, on voit d’emblée l’ambition affichée par son auteur : se démarquer des autobiographies écrites par les autres rock-stars et faire de "The long hard road out of hell" une œuvre d’art révélant la singularité du personnage et son niveau d’ouverture intellectuelle et culturelle. Ainsi, la couverture est belle, le livre est magnifiquement illustré avec des photos provenant des archives personnelles de Marilyn Manson et de dessins originellement réalisés pour illustrer "La Divine Comédie : L'Enfer" de Dante. Chaque chapitre s’ouvre par des citations d’écrivains, d’artistes et de philosophes (Pierre Boaistuau, Bertrand Russell, Nietzsche, Frank Sinatra…) et les sous-parties sont séparées par des titres renvoyant à des descriptions de l’enfer tel qu’imaginé par Dante. La narration suit également un déroulement atypique alternant des évocations chronologiques avec des interviews et des éléments biographiques regroupés par thèmes (drogues, tournées...).
Les premiers chapitres évoquent l’enfance et l’adolescence de Brian Warner (Marilyn Manson). Très tôt, l’enfant en jouant aux explorateurs avec son cousin, découvre dans la cave de la maison de ses grands-parents paternels toutes les perversions humaines à travers la collection de revues et d’objets pornographiques, zoophiles et sadomasochistes de son grand-père. Cette découverte fascine l'enfant et le plonge en même temps dans un monde de terreur. Il apprend également que son grand-père, plusieurs années auparavant, ayant été transporté à l’hôpital à la suite d’un accident de la route, avait été découvert par les infirmiers portant des vêtements féminins sous ses habits d’homme.
Afin de recevoir une éducation de qualité, Brian est inscrit dans un collège privé. Il y découvre, à travers les cours de catéchisme, le fanatisme religieux, les opinions rétrogrades et l’hypocrisie d’une Amérique puritaine et conservatrice. Brian se réfugie alors dans la rébellion et la provocation et fait tout pour se faire renvoyer. Il devient un enfant isolé, introverti et complexé, notamment par son extrême maigreur. Se sentant rejeté, il se met à écouter les groupes de Metal, considérés comme des suppôts de Satan, et affiche avec ostentation leurs insignes afin de choquer ses professeurs et ses camarades. A la suite de ses années de collège, Brian choisit de réintégrer un lycée public. Il rejoint le groupe de rock du lycée,  a sa première relation sexuelle et fume son premier joint. Cette période de sa vie de lycéen nous est relatée par Marilyn Manson avec beaucoup d'humour et de truculence et on rit vraiment. C'est également à cette période qu'il commence sérieusement à écrire de la poésie et des textes gothiques et songe à se faire publier. Il les envoie un jour à une revue spécialisée dans le Metal mais reçoit un refus poli de celle-ci qui en profite dans le même temps pour lui refourguer une offre d'abonnement au magazine à un tarif soi-disant exceptionnel. C'est durant ses études supérieures, en théâtre et en journalisme, et en travaillant comme journaliste pour gagner sa vie que Brian découvre le monde du show-business et décide de monter son groupe de Metal. Il se transforme alors en Marilyn Manson, combinaison de noms de deux personnages (Marilyn Monroe et Charles Manson) sensés évoquer pour lui les deux facettes de l'Amérique : glamour et trash.
Par delà, les difficultés d’un enfant introverti puis d'un adulte frustré, ce qui est frappant de constater c’est l’ambition qui anime Marilyn Manson de devenir célèbre et reconnu. Lorsqu'il se trouve face à des personnes risquant de compromettre sa carrière artistique, il n'hésite pas à échafauder des plans de meurtres pour se débarrasser d'elles. De plus, nous le voyons manifester énormément de mépris envers les junkies et les consommateurs de drogues dures alors que lui-même donnera toujours de Marilyn Manson, l'image d'un groupe de défoncés. Et, on peut se poser alors des questions sur la sincérité de toute la démarche artistique de Marilyn Manson. N'a t-elle pas été adoptée dans le seul but de se rendre célèbre, de faire parler de lui, de créer du buzz autour du groupe ? Personnellement, de nombreuses attitudes et considérations artistiques de Marilyn Manson me sont apparues contradictoires et souvent vaseuses. Comme cette opération de grande envergure consistant à dérober dans les crèches de Noël toutes les statuettes basanées des Rois Mages afin de dénoncer le racisme d'une Amérique blanche ! La manœuvre passa totalement inaperçue et contrairement aux attentes de Marilyn Manson aucun journal ne s’en fit l’écho.
J’ai lu plusieurs mises en garde de lecteurs concernant les aspects durs, choquants, obscènes et sordides qu'on pourra lire dans le livre. Personnellement, je n’ai rien trouvé de plus que le lot habituel de détails scabreux que l’on trouve dans toutes les autobiographies de rock-stars. Il suffit de lire celles d’Iggy Pop ou d'Anthony Kiedis pour voir qu’il n’y a rien de nouveau dans tout ce qui est relaté par Marilyn Manson dans la débauche, les excès et les frasques des rock-stars ou de leurs fans.
Enfin, Marilyn Manson nous laisse entendre par le titre de son autobiographie que son parcours de vie est un long et pénible cheminement vers la sortie à travers les méandres de l'enfer de la drogue. Si effectivement dans les dernières pages du livre, Marilyn Manson nous déclare s'être libéré de l'addiction aux drogues, le journal de bord de la tounée "Antichrist Superstar" qui clôture le livre nous montre un Marilyn Manson plongeant à nouveau la tête la première dans l'enfer de la drogue. Cette contradiction a de quoi nous laisser perplexes.
Sous ses allures intellectuelles et artistiques, l'autobiographie de Marilyn Manson ne m'a pas séduit et intéressé autant que "Scar Tissue" d'Anthony Kiedis. L'autobiographie de Marilyn Manson manque de quelque chose de convaincant, peut-être tout simplement d'une certaine cohérence entre les propos et l'exposition des faits. Je suis en outre resté sceptique quant à l'honnêteté et à la sincérité de toute la démarche non seulement artistique mais également personnelle de Marilyn Manson.

samedi 25 décembre 2010

Barjavel : Hasard ? Mon oeil



"Les rationalistes-matérialistes ont beau jeu de dénoncer la puérilité, la supercherie des dogmes religieux, histoires d'apparence infantile, dont la signification secrète a été totalement oubliée. Mais leur explication du monde est encore plus invraisemblable : d'après eux, toutes les merveilles dont nous sommes faits et celles parmi lesquelles nous vivons sont le résultat d'une succession de mutations heureuses dues au hasard, les mutations défavorables éyant été éliminées...
Examinons, en partant de ce point de vue, un de nos organes les plus simples dans sa structure et son fonctionnement : l'oeil...
C'est une chambre noire, comme l'intérieur d'un appareil photo. Le hasard l'a fabriquée. Bien. On se demande où en serait la triomphante industrie japonaise de la photographie si ses ingénieurs avaient travaillé au hasard...
Passons. Pour reconstituer le relief il faut deux images légèrement décalées. Le hasard nous a donc dotés de deux chambres noires placées à proximité l'une de l'autre. Nous pouvons supposer que des mutations malheureuses qui nous avaient placé un oeil dans le dos et un autre sur le ventre ont été éliminées. C'est logique...
Une bienheureuse multiplicité de hasards a également abouti à donner ces deux yeux-relief à beaucoup d'espèces animales. [...]
Pour que la chambre noire de l'oeil puisse "voir", il lui faut une ouverture. Le hasard, par bonheur, l'a percée. C'est la pupille. Un mécanisme est nécessaire pour agrandir l'ouverture quand la lumière ambiante est faible, et la rétrécir quand elle est violente. En photo, cela se nomme le diaphragme. Le hasard nous l'a fabriqué : c'est l'iris, auquel il a donné une couleur, bleue ou noisette, suffisamment opaque pour empêcher la lumière d'entrer autrement que par le trou, et qui par-dessus le marché, gratuitement, personnalise le regard. Merci, hasard...
Je ne sais pas, et j'ignore si les biologistes savent, quelle est la partie de l'oeil qui mesure la quantité de lumière et ordonne à l'iris de contracter ou de dilater la pupille, mais le hasard sans y penser nous a dotés de ce détail sensible.
Donc, la lumière entre. Pour faire de ce flot une image nette, il faut une lentille. Le généreux hasard nous en a fourni deux. Une fixe, devant la pupille, la cornée, une autre variable, derrière la pupille, le cristallin, chargé de faire la mise au point. Le faisceau lumineux, discipliné par la traversée de ce dispositif, va s'épanouir au fond de la chambre noire sur une surface sensible, la rétine, que le hasard a heureusement confectionnée en ce lieu, et il y forme une image. La multitudes de cellules, les cônes et les bâtonnets, dont le hasard a constitué la rétine, ces cellules parfaites, assemblées par hasard, analysent chaque point de l'image, sa brillance, sa couleur, et envoient toutes ensemble leurs informations au cerveau par le chemin du nerf optique, qui par hasard se trouve là. Et grâce aux facultés du cerveau que le hasard a faites extrêmement diverses, nous prenon conscience des formes et couleur du monde extérieur...
Précisons que, obéissant aux lois de l'optique, la lumière a peint sur la rétine une image à l'envers. Par hasard, le cerveau la redresse et remet le monde sur ses pieds...
Cette analyse de l'oeil est succinte et incomplète. Il ne faut pas oublier le corps aqueux transparent dont le hasard a empli la chambre noire, ce qui l'empêche de se déformer, la sclérotique dont il l'a enveloppée et qui la protège, les muscles qui lui permettent de viser l'image extérieure, les glandes lacrymales qui la lubréfient, les paupières qui nous permettent à tout instant d'interdire à la lumière le chemin de notre conscience et de trouver, quand nous le pouvons, le sommeil. Et chacune de ces parties est composée de parties plus petites, elles-mêmes composées de parties, etc., jusqu'à la foule infinie, variée et disciplinée des cellules, chacune sachant ce qu'elle doit faire et le faisant à l'instant. Cela, bien entendu, par hasard...[...]
Croire que ces merveilles si précises, et tous les autres détails du monde, si extraordinairement élaborés, sont le résultat d'une accumulation de hasards, me paraît tenir d'une certaine obturation de l'esprit..."

René Barjavel, Demain le paradis, Denoël, pp. 100-2

vendredi 24 décembre 2010

Barjavel : "Le hasard ne construit pas"

 


"Pour justifier leur raisonnement, les rationalistes obstinés disent que le facteur qui rend possibles les créations du hasard est le temps. Quand on a beaucoup de temps, il suffit de recommencer n'importe comment, sans cesse, pendant des milliards d'années, et on finit par faire ce qu'il faut.
Mais qui recommence ?
On connaît leur célèbre image : placez un singe devant une machine à écrire. S'il tape au hasard pendant l'éternité, il finira par écrire la Bible...
C'est confondre la qualité avec la quantité, pendant l'éternité, le singe produira un grafouillis illisible. Il ne composera même pas "La cigale et la fourmi".
Le hasard n'ordonne pas, ne compose pas, ne construit pas. Placez un bulldozer devant une montagne de briques qu'il se met à remuer au hasard. Pendant l'éternité il brassera des briques. Il ne construira jamais un palais, pas même une cabane. Or le moindre brin d'herbe est bien plus complique que le Palais de Versailles.
Ce que le bulldozer réussira à faire, c'est transformer la montagne de brique en montagne de poussière, c'est à dire le désordre en un désordre plus grand encore.
Les rationalistes n'ont d'ailleurs pas remarqué qu'ils ont introduit dans leur exemple un élément qui n'a rien de hasardeux : le singe. Ce n'est pas le hasard, qui tape. C'est le singe, qui tape au hasard. Alors qui est le singe ?"

René Barjavel, Demain le paradis, Denoël, p. 112

jeudi 23 décembre 2010

Barjavel : Inévitable



"Quand ce livre paraîtra, j'aurai entamé ma soixante-seizième année. Cela me paraît bizarre. Je ne m'y attendais pas si tôt ! J'y suis arrivé tout doucement, à pied, sans courir. Rien à faire, on y arrive, ça arrive, au jour précis.
Qu'il ne me reste à vivre qu'un petit paquet d'années, ne m'effraie ni ne m'inquiète. Ce qui est ennuyeux, c'est d'entrer vivant, peu à peu, dans la désagrégation. On entend plus mal, on voit moins bien, on a un genou qui se dévisse, on perd les cheveux de son crâne alors qu'il en pousse dans les oreilles, on a mal au dos le jour, des crampes la nuit, on a des fuites ou le contraire, la mémoire devient une passoire dont les trous s'agrandissent ; l'intelligence s'affine mais on n'a plus envie d'en faire usage, on se courbe, on se ratatine, on se déshydrate, on se couvre de son, on devient une momie de soi-même...
J'ai commencé ce processus, qui n'épargne personne. Il faut l'accepter - comment faire autrement ? - et s'y engager avec humour. Se regarder de l'extérieur, avec le sourire. Tiens, aujourd'hui, c'est une veine qui a craqué... Demain ce sera peut-être une artère ?... C'est à voir ! A chaque jour sa surprise... Se considérer comme assis au volant d'une voiture qu'on aime bien, qu'on a entretenue de son mieux mais qui est usée de tous les bouts. Une roue tremblote, puis une autre, le carburateur s'engorge, l'accélateur mollit, la direction n'est plus fiable, on s'en est aperçu en grimpant involontairement sur un talus... Au prochain virage il faudra faire attention aux freins, l'échappement tousse... On va essayer de la faire durer encore, cette vieille amie, on remplacera ce qu'on pourra, on ménagera le reste, mais chaque  kilomètre la rapproche du jour où il faudra se résoudre à la laisser aller à la casse. Inévitable...
Le conducteur, lui, alors que devient-il ?
C'est un autre problème..."

René Barjavel, Demain le paradis, Denoël, p. 213

mercredi 22 décembre 2010

Barjavel : Demain le paradis


4e de couverture :

DEMAIN LE PARADIS : Titre prémonitoire... Voici un des plus beaux livres de Barjavel. En tout cas, celui qui va le plus loin et se lit comme un passionnant roman d'aventures.
D'où vient l'homme ? Et jusqu'où peut-il aller ?
Jamais l'espèce humaine ne s'est trouvée devant un choix à faire aussi net, devant d'aussi formidables possibilités d'essor ou de destruction. Le carrefour est déjà visible. Plus que quelques pas...
Les sciences et les techniques que nous croyons très avancées sont encore, en réalité, sur la ligne de départ de leurs possibilités, tout au début de leur développement. Barjavel survole d'abord les principales disciplines scientifiques pour montrer qu'elles ignorent l'essentiel. La biologie, par exemple, sait tout, dans le moindre détail, de la vie d'un chêne ou d'un être humain, mais elle ignore ce qu'est la vie. La médecine guérit la plupart des maladies, mais elle ne sait pas empêcher les hommes de tomber malades. Les dentistes soignent efficacement les dents, mais ils ne savent pas les faire repousser...

En s'appuyant uniquement sur les découvertes scientifiques de nos temps, Barjavel avec la logique la plus rigoureuse et l'imagination la plus fantastique, développe à l'infini les possibilités qui nous permettraient d'accéder à un avenir de bonheur.

Avis personnel :

Autre essai de Barjavel, dans la même veine que La faim du tigre mais orienté beaucoup plus vers le devenir humain et les questions soulevées par l’évolution des techniques et du progrès scientifique. L’auteur prêche pour une utilisation sage et raisonnée de la science et se plaît à imaginer des solutions écologiques originales face aux problèmes de pollution posés par les hydrocarbures.
On constatera en lisant ce livre que l’animosité de Barjavel envers les représentants officiels des religions est restée la même. Il les fustige toujours autant et plaide à nouveau pour une lecture symbolique des Écritures par delà une lecture littérale et puérile de leur contenu.
Barjavel revient à nouveau sur l’émerveillement qu’il éprouve face aux éléments naturels qu’il considère tous comme des prodiges qui indiquent clairement la main d’un Créateur tant ils renferment d’harmonie, de précision et d’ordre en eux. Face à tant de merveilles dans la création, Barjavel se demande même si l’on peut ne pas croire en l’existence d’un Être suprême.
Le livre est resté inachevé, Barjavel ayant été emporté par la mort. C’est sur une virgule que le livre se termine. Il nous appartient de poursuivre l’écriture de ce livre en imaginant et en construisant, pour notre salut à tous, ce monde profondément humain, juste et heureux dont Barjavel rêvait pour nos petits-enfants.

jeudi 16 décembre 2010

Barjavel : La faim du tigre


Avis personnel :

Magnifique petit essai de Barjavel sur le sens de la vie,  la place de l’homme dans l’Univers et sa relation avec le Divin.
L’ouvrage est écrit dans un style simple, clair et concis. A aucun moment, Barjavel ne part dans des envolées métaphysiques ou n'utilise un vocabulaire abstrus ou philosophique. C’est un ouvrage sans prétention, écrit sur un ton confidentiel et direct, Barjavel interpellant fréquemment le lecteur et s’adressant directement à lui. L’auteur se pose une série de questions existentielles et nous propose modestement son point de vue et tente d'apporter des réponses. Le livre aborde quantité de thèmes (religion, spiritualité, écologie, science,…) mais quelques sujets principaux se dégagent parmi les autres.
Tout d’abord, la religion. Même si Barjavel lance des attaques virulentes contre les représentants des religions et les accuse d’avoir perdu la signification essentielle des textes révélés et leur reproche de maintenir les hommes dans l’ignorance en proposant une interprétation puérile et sociale des religions, il se déclare néanmoins croyant et nous propose une approche de la religion basée sur le sens spirituel et symbolique des Ecritures. Pour preuve, cette étonnante exégèse digne d’un mystique chrétien, d’un soufi ou d’un chiite à laquelle l'auteur se livre concernant le passage biblique évoquant Moïse revenant vers son peuple avec les deux tablettes de la Loi qu’il vient de recevoir de Dieu sur la montagne. Pour Barjavel, ces deux tablettes représentent les deux aspects de la foi, l’exotérique et l’ésotérique, le premier destiné au peuple et le second réservé aux seuls initiés.
Il ne fait pas de doute pour Barjavel qu’un Etre suprême, qu’il hésite à appeler Dieu tant ce mot est devenu chargé de clichés puérils, gouverne le monde et est à l’origine de sa création. L’extrême organisation et harmonie qui existent dans la nature ne peuvent être le fruit du hasard. Si un singe tapait pendant l’éternité sur le clavier d'une machine à écrire, jamais pour autant on n’obtiendrait l’intégralité de la Bible ou ne serait -ce que le texte de La Cigale et de la fourmi. Pour corroborer ses propos, Barjavel nous décrit minutieusement l’oreille de l’homme. L’extrême ingéniosité de sa constitution physique et l’agencement  particulièrement adroit des différents éléments qui la composent sont des témoignages évidents que quelqu’un les a conçus et organisés de la sorte. Il n'y a aucun doute, nous dit Barjavel, qu’« il y a quelqu’un sous le lit ou dans le placard ».
Tout le livre est traversé par une quête de sens. Il s’agit pour l’homme d’essayer de se comprendre, de réfléchir sur la place qu'il occupe dans la Création et des liens qui l'unissent au Divin. Les textes sacrés contiennent en eux, sous la carapace du sens exotérique et des images, des significations ésotériques propres à mettre l’homme sur le chemin de la Vérité. Il s’agit de retrouver la clef d’entrée pour accéder aux mystères contenues dans la Révélation. L'Église ne peut pas nous mettre sur la voie car  elle a perdu cette clef.  Mais celle-ci peut être retrouvée en se tournant vers les initiés qui l’ont conservée par devers eux et qui par leur enseignement secret peuvent nous ouvrir les portes du Mystère.
La faim du tigre est marqué par l’enseignement ésotérique de Guénon et de Gurdjieff. Dans une interview accordée en 1973 à la revue Hamsa, Barjavel avait déclaré : « Je dois dire que Guénon a eu une très grande importance dans ma formation. Guénon... et Gurdjieff aussi, bien qu'ils aient été opposés (je crois qu'ils regardaient la même chose, mais de deux côtés différents). En tous cas, il est certain que là est le grand problème : essayer de retrouver la Tradition, essayer de retrouver la vérité. Mon petit bouquin « La Faim du Tigre », c'est ça ! C'est l'histoire de ma recherche." Dans une autre intervieuw, il avait déclaré toujours à propos du même livre : "Je donnerais tous mes autres livres pour celui-ci." Moi-aussi.

mardi 14 décembre 2010

Barjavel : Les Religions ont perdu la Signification

Marc Chagall, Moïse et les Tables de la Loi. Pour Barjavel, les deux tablettes représentent les deux faces de la Religion : l'exotérique pour le peuple et l'ésotérique pour les initiés

"La justification initiale des "deux tables" [de la Loi], de la séparation entre la transmission ésotérique de la Vérité et la révélation publique d'une religion qui calque sur elle son argument, c'est que la Vérité est difficile et sévère et qu'il faut l'habiller d'une imagerie pour la rendre attrayante et plus accessible au grand nombre.
Mais peu à peu la Vérité se ratatine et se réduit à rien  à l'intérieur de l'imagerie qui finit par n'être plus qu'un habit vide.
Et quand les esprits les plus simples, pour qui, expressément, cette imagerie a été fabriquée, s'aperçoivent de son artifice et ne peuvent plus la prendre au sérieux, alors elle joue un rôle contraire à celui pour lequel elle a été conçue : au lieu d'attirer le plus grand nombre elle le repousse.
Et faute de pouvoir lui redonner toute sa signification, il faut se résigner à voir les hommes la détester et la combattre comme un leurre social et rechercher dans les réalités sensibles et rationnelles les vérités, sinon la vérité du monde. La moitié de l'humanité a déjà opéré ce demi-tour. Pour les neuf dixièmes de l'autre moitié, la religion reste un mélange d'habitudes mentales, de règles morales, d'obligations et d'interdits sociaux, et de vague assurance sur la mort.
Il reste un dixième de la moitié, qui croit sans se poser le moindre problème à ce qu'on lui affirme en telle ou telle partie du monde.
Mais l'humanité tout entière croit que deux et deux font quatre, parce que c'est évident. Il faut retrouver la voie, le chemin, le moyen, l'enseignement, la méthode qui rendra aux hommes l'évidence de Dieu aussi évidente que cette évidence-là.
Il ne s'agit pas de fonder des ou une religion nouvelle, mais de s'accrocher au contraire très fidèlement à celles qui existent et de les pénétrer jusqu'au plus ancien et au plus intime de leur structure pour tâcher d'y retrouver la vérité qu'elles y ont oubliée."

René Barjavel, La faim du tigre, Folio, 1982, p. 196

dimanche 12 décembre 2010

Barjavel : "Soleil, je t'aime"

A partir des années 70, Barjavel dessine un petit soleil sur tous les livres qu'il dédicace

"Petit, tout petit, cher petit Soleil, si modéré, si bienveillant, qui a permis l'éclosion de la vie sur la Terre et l'entretient dans la tiédeur, Soleil je t'aime, je dessine ton image sur tous les livres que je dédicace, on me demande parfois pourquoi, je réponds que c'est en signe de gratitude. Pensez-vous quelquefois, silencieusement, à le remercier ? Nous sommes ses enfants, à son échelle, minuscules."

René Barjavel, Demain le Paradis, Denoël, p. 40

lundi 6 décembre 2010

Barjavel : Tout n'est que symboles

Van Gogh, Le semeur

"Les dieux des religions sont des images symboliques de la Vérité.
Les livres sacrés nous disent avec beaucoup de détails, et cent fois plutôt qu'une, ce qu'est le Créateur, comment il a créé, quels sont ses rapports avec sa création, ses raisons de créer, ce que sont pour lui ses créatures et quelle est la place de chacune au sein du tout.
Mais cela nous est raconté dans un langage symbolique et la plus grande erreur qu'on puisse faire est de s'en tenir à la lettre.
Quant à la signification des symboles, elle a ceci de particulier qu'elle paraît évidente quand on la connaît., mais qu'elle est très difficile sinon impossible à deviner quand on en ignore tout.
Chaque symbole, d'autre part, peut être interprété de nombreuses façons, et chacune de ces significations est parfaitement vraie, du point de vue d'où l'on s'est placé pour la lire dans l'image.
Parmi toutes les significations d'un symbole il en est une dont découlent toutes les autres, et qui rend lisibles les symboles voisins.
C'est l'ensemble de ces significations premières qu'il faut connaître pour lire "à livre ouvert" les textes sacrés. Sans elle, ils nous restent fermés.
Cela ne signifie pas que les faits qu'ils nous racontent soient des fables. Tout événement historique, toute vie, tout geste, tout chemin, tout brin d'herbe, tout caillou, par sa forme et par sa place dans le temps et dans l'espace, signifie quelque chose de plus que ce qu'il est, et peut être lu.
Mais pour savoir lire, il faut avoir appris.
Qui sont les maîtres de cet enseignement ?
Les prêtres.
Les prêtres sont là pour ça.
Les prêtres ont reçu la clé de l'alphabet et la mission de la transmettre.
Malheureusement, ils l'ont perdue en chemin.
Une religion est comme un enfant que son père a envoyé porter un message à l'autre bout de la ville. Pour ne pas l'oublier, pour ne pas se tromper, l'enfant a appris le message par coeur et l'a répété mille fois en chemin. Peu à peu le message a pris le rythme de sa respiration, de ses pas, a perdu ses points, ses virgules, ses mots, et quand il est enfin délivré à son destinataire par la bouche qui l'a moulu tout le long de la route, il n'est plus qu'une suite de syllabes sans articulation ni signification.
Tout y est pourtant. Il suffit peut-être de bien écouter pour retrouver les mots et la phrase. Ce n'est peut-être pas impossible."

René Barjavel, La faim du tigre, Folio, 1982, pp. 139-140

Barjavel : "Tous ont Dieu perdu"


La Parabole des Aveugles, Bruegel l'Ancien, XVIe siècle, Musée du Louvre

"Vieilles religions vidées de tout, pareilles à des figues de l'autre saison pendant flétries à l'arbre d'hiver... Curés courants, évêques gras, pasteurs familias s'arrachant à la conscience des touffes de bonnes paroles pour y nicher leurs brebis, rabbins rabbinant, bonzes rasés jusqu'à l'intérieur du cerveau, tous ont Dieu perdu, en chemin perdu, depuis le temps qu'ils courent. Ils ont gardé un nom, et peint des images. Images de leur image, nom couvert de mouches. Dieu. Quel autre nom Lui donner ?"

René Barjavel, La faim du tigre, Folio, 1982, p. 86

samedi 4 décembre 2010

Barjavel : Comprendre, comprendre, comprendre


"Il existe peut-être un autre moyen de savoir. C'est de renoncer à connaître, et de chercher à comprendre.
"Mon pauvre enfant", me dit un jour un vénérable vieillard curé ému par mon angoisse et qui avait lui-même trouvé depuis longtemps la paix dans les automatismes d'une foi enfantine, "mon pauvre enfant, ce sont des mystères, ne cherchez pas à comprendre..."
Si. Justement si. Je n'y parviendra peut-être jamais, mais jusqu'à mon dernier souffle, je chercherai à comprendre. Comprendre où je suis et ce que je suis et ce que j'y fais, et à quoi ça rime. Ce corps qui s'est construit sans moi, et qui vit sans mon intervention, cet esprit qu'il enferme dans un scaphandre qu'ont-ils à faire ensemble, vers quelle vase ou quel trésor s'enfoncent-ils dans l'océan de la matiére ? Cette chair souffrante et jouissante qui me commande, et qui est faite de vide et qui saigne, qui a reçu du fond des âges une vie qui la laissera tomber et pourrir, cet esprit qui aura à peine le temps de naïtre avant de s'évanouir, je veux comprendre, comprendre, comprendre, pourquoi ils sont associés, si mal assortis, et s'ils ont un rôle à jouer, une place à tenir, exactement, quelque part entre la salade et la galaxie.
Le rôle de toute religion est de faire comprendre à l'homme ce qu'est la création, quelle place il y occupe et quel rôle il y joue. Et jamais, jamais, jamais, de lui dire : "Ne cherchez pas à comprendre."
Le rôle de toute religion est d'établir entre l'homme et le reste du monde des rapports exacts. Et jamais, jamais, jamais, de dresser entre le monde et l'homme des remparts de fumée et des murs d'illusions.
Le rôle du prêtre est de prendre le fidèle par la main et de le conduire, par le chemin du rite, vers la vérité.
L'initiation à tous les mystères, la clé qu'on donnait au néophyte, c'était l'explication qui lui permettait de comprendre. La sublime clarté dont parlent les mystiques, c'est celle de la compréhension. Tout leur est clair. Mais ne peuvent donner la clé ceux qui l'ont perdue, ne peuvent montrer le chemin ceux qui ne savent plus que le chemin existe. Ne peuven rien expliquer ceux qui ne savent plus rien."

René Barjavel, La faim du tigre, Folio, 1982, pp. 84-5

mercredi 1 décembre 2010

Barjavel : L'humanité dans un dé à coudre



"Un corps vivant ou un corps inerte, un caillou, un clou ou un genou, un pou, sont pareillement constitués de molécules, les molécules sont constituées d'atomes, et les atomes de particules dont certaines assemblées forment le noyau, les autres tourbillonnant autour.
Mais ce noyau est si petit, et les particules qui vibrionnent à ses alentours encore tellement plus infimes, qu'on peut considérer qu'un atome est presque entièrement constitué de vide. De vide. Non pas d'espace empli par un fluide transparent, léger insaisissable. De vide. De néant. Zéro absolu. Rien.
On a calculé que si on réunissait tous les êtres humains vivant sur la Terre, et si on parvenait à supprimer le vide de leurs atomes, toutes les particules qui composent l'espèce humaine tiendraient dans un dé à coudre.
Un dé à coudre de particules, et du néant, pour construire trois milliards d'hommes, quel que soit le maçon, il sait tirer parti des briques !
Mais ces briques elles-mêmes, ces particules, ce matériau de base de la matière, sont-elles vraiment bien solides ? Sont-elles enfin quelque chose ? Ma main, mon cœur, le bois de mon bureau, l'épaule de mon fils, peut-on s'appuyer ?
Prudence. Ces particules, ceux qui les connaissent le mieux en sont à se demander si elles ne sont pas seulement des parcelles d'énergie en mouvement. Et si elles ne se divisent pas à leur tour, en particules infiniment plus petites, séparées par du vide, lesquelles particules infiniment plus petites n'ont pas de raison de ne pas être à leur tour composées d'énormément de vide, et de particules qui, si petites soient-elles, peuvent à leur tour ne contenir à peu près que du vide et d'autres particules encore plus petites, plus petites, petites, petites...[...]
Vanité des vanités, dit l'inconnu de l'Ecclésiaste, tout n'est que vanité. Il a peut-être commencé à le dire en sumérien. Peut-être bien avant Babel le disait-il déjà. Puis en  araméen, en hébreu, en grec et en latin :
Vanitas...
Dérivé de vanus, qui signifie : VIDE.
La science a son tour vient de le découvrir."

René Barjavel, La faim du tigre, Folio, 1968, pp. 68-9

mardi 30 novembre 2010

Anthony Kiedis : No shortcuts to God



"I went with Guy O to a kabbalah course the other night, and the lesson was about the four aspects of the human ego, which are symbolized by fire, water, air, and earth. Water represents the excessive desire for pleasure, and I'm a water sign, and that's been my whole life. I've wanted to feel pleasure to the point of insanity. They call it getting high, because it's wanting to know that higher level, that godlike level. You want to touch the heavens, you want to feel glory and euphoria, but the trick is that it takes work. You can't buy it, you can't get it on a street corner, you can't steal it or inject it or shove it up your ass, you have to earn it. When I was a teenager and shooting speedballs, I wasn't thinking, "I want to know God," but deep down inside, maybe I did. Maybe I wanted to know what that light was all about and was taking the shortcut. That was the story of my life, even going back to my childhood in Michigan, when I'd get home from school by going through a neighbor's backyard and jumping a fence. It didn't mater if I got bitten by a dog or I ripped my pants on the fence post or I poked myself in the eye with a tree branch that I was crawling over, it was all about the shortcut. My whole life I took the shortcut, and I ended up lost."

Anthony Kiedis, Scar Tissue, Time Warner Books, p. 461-2

Anthony Kiedis : Gotta serve somebody

Photo : Ani

"You're feeling like shit ? Go get out of yourself and do something for someone else, voilà, you don't feel like shit anymore. You're confused and you're driving yourself crazy ? Go call a guy who's got three days sober and has no clue what to do. The minute you get out of your self-centered mind-set, you're instantly freed of your own pain. The trick to staying sober is to constantly be of service to another alcoholic. It's like perpetual motion. All these people freely gave you what was given to them, and now you get to give it to someone else. It's a constant source of energy, like recharging a battery, only there's no pollution or toxic runoff.
The reason the program is so successful is because alcoholics help other alcoholics. I've never met a Normie (our lingo for a person who doesn't have a problem with drugs or alcohol) who could even conceive of what it's like to be an alcoholic. Normies are always going, "There's this new pill you can take and you won't want to shoot heroin anymore." That shows a fundamental misunderstanding of alcoolism and drug addiction. These aren't just physical allergies, they're obsessions of the mind and maladies of the spirit. It's a threefold disease. And if it's partly a spiritual malady, then there's a spiritual cure.
When I say spiritual, I'm not talking about chanting or reading Eastern philosophy. I'm talking about setting up the chairs at a meeting, picking up another alcoholic and driving him across town to a meeting. That's a spiritual lifestyle, being willing to admit that you don't know everything and that you were wrong about some things. It's about making a list of all the people you've harmed, either emotionally or physically or financially, and going back and making amends. That's a spiritual lifestyle. It's not a fluffy etheral concept.
My friend Bob Forrest is a spiritual person. He doesn't go to church and he doesn't talk about God and he doesn't go do charity events on weekends, but he'll sit and talk for hours to a guy in jail who can't stop smoking crack. That's curing Bob of his spiritual malady, because he's willing to do something that's not really for him, it's for the other guy. He's not doing it with the expectation of getting anything out of it, but as a by-product, hi is."

Anthony Kiedis, Scar Tissue, Time Warner Books, pp. 460-1

Anthony Kiedis : Ressentiment et prière (Resentment and prayer)

John Frusciante

"When John left the band, I resented him for not being my friend and for abandoning our musical comradeship. But all the time that he was out of the band and going through his anguish, I prayed for him constantly. From going to meetings I'd learned that one of the reasons that alcoholics get loaded is because they harbor resentments. One of the techniques they teach to get rid of a resentment toward somebody is to pray for him or her to get everything that you want for yourself in life - to be loved, to be succesful, to be healthy, to be rich, to be wonderful, to be happy, to be alive with the light and the love of the universe. It's a paradox, but it works. You sit there and pray for the person you can't stand to get everything on earth that you would want for yourself, and one day you're like "I don't feel anything bad toward this person."
That was part of the reason I prayed for John. The other part was that I didn't want him to die a sad and miserable death, so I prayed for him almost every day. I would sit there and say, "Whoever's out there, whoever's getting this thought from my mind, could you please look after John Frusciante, because he needs it."

Anthony Kiedis, Scar Tissue, Time Warner Books, p. 397

lundi 29 novembre 2010

Anthony Kiedis : Chiva

Photo Nuno Oliveira

"The drive downtown is an experience unto itself. You're controlled by this dark energy that's about to take your to a place where you know you don't belong at ths stage in your life. You get on the 101 Freeway and it's night and it's cool outside. It's a pretty drive and your heart is racing, your blood is flowing through your veins, and it's kind of dangerous, because the people dealing are cut-throat, and there are cops everywhere. It's not your neck on the woods anymore, now you're coming from a nice house in the hills, driving a convertible Camaro. So you get off at Alvarado and make the right.  Now your senses go into this hyper-alert radar situation. Your mission is to buy these drugs, and you don't want anything interfering with that, it's like being in a battle where your life is going to depend on seeing everything around you, the guy on the corner, the undercover cops, the black-and-whites. You don't want to commit any obvious traffic infractions, so you signal and make your left onto Third Street, cognizant the whole time of any cars behind you. Then you go two blocks and you're passing Mexican families and a couple of motels and a corner store and there's a grocery store at the left, which was the scene of many incidents in your life with Jennyfer when you used to shoot up in the car and start throwing up out the window. All these memories are flooding back at you, and the minute you make the right onto Bonnie Brae, half a block up on the left, you see groupings of dealers. They're incredibly agressive, and they watch every car that comes around that corner to see if it's a car there to buy stuff. You either pull straight up on Bonnie Brae or you make a left onto the next side street, and they come swanping down upon you. They're in your passenger window, they're in your back window, and you have to choose which madman you're going to buy from.
The dealers are used to people buying twenty dollars' worth, or fifty or maybe sixty, but you pull out a wad of hundreds and tell them you want five hundred dollars' worth. They can't even keep five hundred dollars' worth of crack in their mouths, which is where they store it, just like the balloons of heroin, under ther tongues, so they start hustling and pooling their resources and come to you with a handful of saliva-covered crack. You make the deal and then you ask these guys. "Who's got the Chiva ?," and they point. Chiva is the dope. Then you go to another block and buy three, four, or five balloons, the whole while trying to make it happen quick, because the cops could be there any second. By now you know where to get pipes, and you're buying the little Brilo pads to use as screen in the pipe, all the techniques that you picked up from the street dealers. Then you go home and get high."

Anthony Kiedis, Scar Tissue, Life Warner Books, p. 323

Photo Ross Reyer

Anthony Kiedis : Une guitare signée par les Stones contre un peu de came

"But now I had no money, no stuff, and was in a frenzy to get high.
What I did have was a beautiful white Stratocaster guitar signed by all of the Rolling Stones. Tommy Mottoloa had given it to me when he was trying to sign the Chili Peppers to Sony/Epic. Il figured I could go downtown and get a least of couple hundred dollars' worth of dope for that guitar. So I went down to those dimly lit back alleys where the men sell their wares, but there was only one guy working the street at that late hour.
"What can I get for this ?" I asked him, proffering the guitar.
He shrugged, "Nothing."
"No, no, you don't understand, "I pressed on. "This guitar is signed by the Rolling Stones."
"Dinero, senor, dinero," he kept repeating. He was fresh up over the border, and he obviously couldn'h speak English and didn't give a rat's ass about the Rolling Stones.
"But this is valuable, " I protested.
He finally offered me the tiniest amount of heroin I'd ever seen.
"No, more", I begged, but he indicated it was that or nothing. I was so desperate that I bartered the signed guitar for some drugs that would get me high for about ten minutes."

Anthony Kiedis, Scar Tissue, Time Warner Books, p. 365

jeudi 25 novembre 2010

Peur[s] du noir

Synopsis :

Les enfants ont peur du noir, mais beaucoup d'adultes aussi ! L'obscurité empêche de voir, on peut alors se convaincre de la présence de bêtes, d'insectes ou de tous êtres malveillants. Dans le langage populaire, on a des idées noires, on vit dans une misère noire ou encore nous avons de noirs pressentiments... Cette sensation d'inquiétude rattachée au noir remonte à la nuit des temps. Blutch, Charles Burns, Marie Caillou, Pierre di Sciullo, Jerry Kramsky, Lorenzo Mattotti, Richard McGuire, Michel Pirus et Romain Slocombe, remontant le fil de leurs terreurs, ont accepté d'animer leurs dessins et de leur insuffler avec leur style unique le rythme de leurs cauchemars.

Avis personnel :

Magnifiques courts-métrages d’animation. A regarder le soir, dans la pénombre, après avoir baissé la lumière. De préférence par temps de pluie, neige ou de grand froid. Assis bien au chaud dans son fauteuil.
Les courts-métrages nous transportent dans un monde de cauchemars et de terreur. Les graphismes sont somptueux, exclusivement en noir et blanc. Paysages et architectures dégagent un sentiment d’angoisse et on baigne perpétuellement dans un climat de mystère et d’appréhension. Les histoires sont toutes terrifiantes et glaçantes à souhait en même temps que profondément tristes : un étudiant timide et renfermé qui devient "possédé" par une mante religieuse, une petite fille hospitalisée et « soignée » par un médecin inquiétant et sadique qui lui administre des médicaments douteux, un voyageur égaré dans une tempête de neige qui trouve refuge dans une maison habitée par une tueuse en série, un marquis pervers qui lâche ses molosses sur des êtres sans défense... Les différents courts-métrages nous plongent dans un univers cauchemardesque et jouent avec les peurs ancestrales de l’homme : le noir, les insectes, l’inconnu, l'enfermement, la maladie... Toutes les histoires se déroulent la nuit ou dans le noir comme ce dernier court-métrage où un voyageur égaré trouve refuge dans une maison perdue dans la campagne enneigée qu’il explore à la lumière d’une bougie. On  n'y voit que la tête et les mains du personnage ou des bouts de décors (papiers peints des murs, marches d’escalier, un fauteuil, une commode…).
Toutes les histoires se terminent par une fin tragique. Il n’y a pas d’autre issue au cauchemar que le cauchemar. La seule échappatoire possible reste la mort.

mercredi 24 novembre 2010

Anthony Kiedis : Scar Tissue

Anthony Kiedis with Larry Sloman, Scar Tissue, Time Warner Books


4e de couverture :

In 1983 four self-described "knuckleheads" burst out of the neo-punk rock scene in LA with their own unique brand of cosmic hard-core mayhem funk. Over twenty years later, the Red Hot Chili Peppers, against all the odds, have become one of the most successful bands in the world. Though the band has gone through many incarnations, Anthony Kiedis,the group's lyricist and dynamic lead singer, has been there for the whole rollercoaster ride.
Scar Tissue is Kiedis's searingly honest memoir - a strory of dedication and debauchery, of intrigue and integrity, of recklessness and redemption. It is a story that could only have come out of Hollywood.

Avis personnel :

Bon, il faut que je vous le dise d’emblée : contrairement à ce que l’on pourrait croire au vu du nombre de billets sur les Red Hot Chili Peppers sur ce blog, je ne suis pas un fan de ce groupe. Le peu que je connais de ce qu’ils ont fait, j’aime bien, mais à part les Greatest Hits, je n’ai jamais acheté aucun de leurs albums.
Je ne les ai découverts que depuis deux mois environ après avoir été bluffé par le clip vidéo de leur chanson « Californication ». Je me suis alors penché sur ce groupe et en faisant mes recherches sur Internet, je suis tombé sur "Scar Tissue", l'autobiographie d’Anthony Kiedis, le chanteur du groupe. J’ai décidé de lire ce livre, tenté par les commentaires élogieux des lecteurs et les critiques favorables de la presse.
Avec « Scar Tissue », on plonge complètement dans l’univers du sexe, drogues et rock and roll . On reste abasourdi par la quantité de drogues dures injectées par Kiedis dans son corps et le nombre de ses conquêtes féminines, sans compter les innombrables relations sexuelles de passage avec des groupies lors des tournées. La musique, quant à elle, apparaît relativement tardivement, quasiment à la majorité de Kiedis, mais il va y alors plonger la tête la première et très rapidement son groupe deviendra l'un des groupes phares de la scène underground et se fera connaître par son son grunge-funk.
C’est encore enfant qu’Anthony Kiedis découvre aux côtés d’un père déjanté et dealer le monde de la drogue, du sexe, de la nuit et du show-biz. A l’âge de onze ans, son père lui propose son premier joint. A 12 ans, il lui arrange sa première relation sexuelle. A 16 ans, Anthony Kiedis est devenu un consommateur assidu de shit et a touché à la cocaïne et à l’héroïne dont il deviendra rapidement accro. C’est vers l’âge de 16 ans que Kiedis s’intéresse véritablement à la musique et découvre la scène musicale underground de Los Angeles avec le mouvement punk-grunge en plein essor.
A travers la vie d’Anthony Kiedis, "Scar Tissue" nous offre un panorama de la vie américaine des classes moyennes. Le lecteur découvre les problèmes de la société américaine avec une jeunesse gangrénée par la drogue et le sexe, déboussolée par la déliquescence des liens familiaux et des repères moraux. Le lecteur pénètre dans la scène musicale underground de Los Angleles et assiste à l’émergence du punk-grunge durant les années 80. Mais les parties du livre qui intéresseront le plus les fans des Red Hot Chili Peppers sont celles où Anthony Kiedis évoque le processus artistique de création des albums, les méthodes de travail du groupe, les circonstances ou faits divers qui ont inspiré l’écriture et la composition de quelques uns de leurs plus gros tubes. On parcourt avec le chanteur toutes les étapes de la vie du groupe et celle-ci  fut plus que tumultueuse, marquée par la mort par overdose du guitariste charismatique Hillel Slovak, les conflits d’égo exacerbés par les substances illicites, les changements de musiciens et les départs répétés du guitariste John Frusciante.
Tout au long du livre, Anthony Kiedis se livre à nous avec une grande honnêteté. Il ne nous dissimule aucun de ses travers ou de ses erreurs. Il les assume tous et nous le voyons régulièrement s’excuser et faire amende honorable auprès de ceux qui eurent à souffrir de lui, notamment ses petites amies. Le ton de Kiedis est également modeste. Il n’a jamais la grosse tête. Il ne se vante ni de ses conquêtes féminines ni de sa contribution personnelle dans le domaine musical. Il met en avant les qualités et les compétences des autres. Tous ceux qui  lisent "Scar Tissue" en s'attendant à  des révélations croustillantes sur les stars peuvent passer leur chemin car Kiedis ne donne ni dans les ragots ni dans la médisance. La seule personne dont il médit, c’est lui-même. Il reconnaît ses torts, fait preuve d’une grande introspection dans l’analyse de sa personnalité et manifeste beaucoup d'empathie envers les sentiments et les agissements des autres. Aussi, c’est un profond sentiment de reconnaissance que Kiedis éprouve envers les autres et envers Dieu pour tous les bienfaits et les leçons qu’il a reçus. Et c’est régulièrement que nous l’entendons demander à Dieu de bénir les personnes qui croisèrent sa route et firent un bout de chemin avec lui. Je ne peux qu’en faire autant envers lui : God bless Kiedis.

jeudi 18 novembre 2010

Californication : Tidal waves couldn't save the world from Californication



Sublime chanson, sublimes paroles (sans doute parmi les meilleures), sublime vidéo (réalisée à la veille de la sortie de la PS2), les Red Hot Chili Peppers à leur meilleur niveau. Enjoy !

Psychic spies from China
Try to steal your mind elation
Little girls from Sweden
Dream of silver screen quotations
And if you want these kind of dreams
It's Californication

It’s the edge of the world
And all of western civilization
The sun may rise in the east
At least it settles in a final location
It’s understood that Hollywood
Sells Californication

Pay your surgeon very well
To break the signs of aging
Celebrity skin is this your chin
Or is it war your waging

First born unicorn
Hard core, soft porn
Dream of Californication
Dream of Cailfornication

Marry me girl be the fairy to my world
Be my very won constellation
A teenage bride with a baby inside
Getting high on information
And buy me a star on the boulevard
It’s Californication

Space may be the final frontier
But it’s made in a Hollywood basement
And Cobain can you hear the spheres
Singing songs off station to station
And Alderon’s not far away
It’s Californication

Born and raised by those who praise
Control of population
Well, everybody’s been there
And I don’t mean on vacation

First born unicorn
Hard core, soft porn
Dream of Californication
Dream of Cailfornication

Dream of Cailfornication
Dream of Cailfornication

Destruction leads to a very rough road
But it also breeds creation
And earthquakes are to a girl’s guitar
They are just another good vibration
And tidal waves couldn’t save the world
From Californication

Pay your surgeon very well
To break the spell of aging
Sicker then the rest, there is no test
But this is what you’re craving

First born unicorn
Hard core, soft porn
Dream of Californication
Dream of Cailfornication

Dream of Cailfornication
Dream of Cailfornication

lundi 15 novembre 2010

Anthony Kiedis : L'affreuse ironie des drogues



"The horribly ironic cosmic trick of drug addiction is that drugs are a lot of fun when your first start using them, but by the time the consequences manifest themselves, you're no longer in a postition to say, "Wooa, gotta stop that." You've lost that ability, and you've created this pattern of conditioning and reinforcement. It's never something for nothing when drugs are involved."

Anthony Kiedis, Scar Tissue, Time Warner Books, p. 94

samedi 13 novembre 2010

Anthony Kiedis : Enfant de la chance ?


Anthony Kiedis fumant son premier joint à l'âge de 11 ans et photographié par son père

Dans les trois premiers chapitres de son autobiographie "Scar Tissue", Anthony Kiedis, chanteur des Red Hot Chili Peppers, évoque son enfance et son adolescence délurées aux côtés d'un père excentrique, débauché et dealer qui l'initie et l'introduit dans le monde de la drogue, du sexe et de la nuit dès son plus jeune âge.
Ainsi, c'est âgé à peine de 4 ans que Kiedis reçoit un avant-goût de la drogue lorsque son père lui souffle au visage une bouffée de shit qui provoque en lui un sentiment d'euphorie. A l'âge de 11 ans, son père lui propose son premier joint et prend des photos pour en garder le souvenir. Le jeune garçon découvre rapidement le travail de son père car celui-ci se livre ouvertement devant lui à son activité de dealer de shit et de cocaïne. C'est également avec son père que Kiedis découvre le sexe. Il met la main sur la pile des numéros de Playboy et de Penthouse du paternel et rencontre pour la première fois des prostituées. Son père lui livre tous les secrets de l'anatomie intime féminine et arrange pour lui, à l'âge de 12 ans, sa première relation sexuelle. A l'âge de 14 ans, Kiedis est devenu un fumeur de shit assidu et a même goûté aux drogues dures que la cocaïne, le LSD et l'héroïne. Envers ce père qui le fait pénétrer dans un monde étrange et fascinant, Kiedis éprouve une véritable admiration. Son père est son héros, son modèle. Une relation fusionnelle se noue entre le fils et le père. "Scar Tissue" nous offre quelques beaux passages où l'on voit tout l'amour et l'affection que le jeune Kiedis éprouvait envers son père. Et,il faut écouter cet émouvant interview où le père nous parle de sa relation avec son fils et des choix qu'il fit pour son éducation, pour cela, cliquer ici.
Ce qui est absolument stupéfiant de constater en lisant ces trois premiers chapitres, c'est que ces expériences qui pourraient être traumatisantes pour un enfant de son âge, furent vécues par Kiedis d'une manière positive, amusante et avec beaucoup de désinvolture. Kiedis se réjouit même à plusieurs reprises d'avoir vécu ces choses à un âge si précoce et plaint les autres enfants de son école d'avoir une vie tellement réglée et conformiste. Kiedis nous dit que la drogue et le sexe n'entraînèrent aucune conséquence néfaste sur sa scolarité et qu'il fit même partie des bons élèves de sa classe. Le fait qu'en dépit des quantités astronomiques de drogues ingurgitées, Kiedis arrive à garder un tel contrôle sur lui-même et sur la drogue est véritablement extraordinaire. A aucun moment sa vie nocturne et débauchée ne vient empiéter sur sa scolarité pour la perturber. De plus, aucun des effets destructeurs du shit (problèmes de concentration, manque de motivation, instabilité d'humeur, désintérêt pour la scolarité, apathie...) ne viennent altérer le comportement de Kiedis qui nous donne toujours l'effet d'un adolescent bien dans ses baskets, actif, sociable, plein d'allant et d'énergie. De plus, l'éducation extrêmement permissive qu'il reçoit de la part de son père fait qu'en dépit des nombreux chapardages et actes de délinquance qu'il commet, il n'éprouve aucun sentiment de remords ou de culpabilité, en tout cas il ne nous en fait pas part. En lisant ces pages, on demeure également admiratif devant la vigueur de sa constitution physique et mentale. Pour preuve, ce grave accident que connut Kiedis à l'âge de 15 ans. L'un de ses jeux favoris était de grimper sur le toit des immeubles, dont certains de 5 étages, et de se jeter du haut de leur terrasse dans la piscine de la copropriété. Un jour, manque de pot, il atterrit sur le rebord de la piscine et se brise le dos et a les vertèbres tassées. Néanmoins, après quelques semaines de séjour à l'hôpital, fatigué par son immobilité, Kiedis, encore en convalescence, se débarrasse de ses lanières et quitte en clopinant l'hôpital  dans son accoutrement de malade poursuivi par les cris épouvantés des infirmières.
Concernant la période de son adolescence, Kiedis déclare sans ambages : "Adolescence is such a fun time in your life".
Autre chose véritablement étonnante durant cette période de la vie de Kiedis, c'est le peu de place que la musique y tient. En effet, elle n'y est quasiment pas évoquée. Kiedis nous dit juste que son père était un grand fan des groupes des années 60, qu'il était un beatnik et avait une importante collection de disques. Mais Kiedis ne manifeste aucun intérêt pour cette collection et nous ne le voyons jamais écouter de la musique ou nous faire part de ses goûts musicaux. Ce n'est que vers la fin du 3e chapître, alors qu'il a 16 ans, qu'il découvre véritablement, avec  son meilleur ami du lycée Michaël Balzary (Flea), la musique, et s'intéresse à la scène punk de Los Angeles. Flea aussi ne commence l'apprentissage de la bass qu'à l'âge 16 ans sous l'égide de Hillel Slovak que les deux amis ont rencontré quelque temps avant. Ceci est d'autant plus remarquable de la part de Flea quand on voit le grand bassiste qu'il est devenu par la suite.
S'il est une chose que le bon Dieu ou la Nature a accordé généreusement à Kiedis, c'est bien la santé. C'est une force de la nature. Avec les excès et les abus incroyables qu'il a commis dans la drogue et ce dès son plus jeune âge, n'importe qui d'autre à sa place aurait péri ou tout du moins serait sorti considérablement diminué physiquement et intellectuellement. Il suffit de le regarder encore de nos jours pour être bluffé par sa forme physique, sa musculature d'athlète, son poil brillant et sa voix meilleure que jamais. A maintes reprises dans le livre, Kiedis remercie le bon Dieu pour avoir eu tant de chance dans sa vie et s'en être tiré à si bon compte. Et, à un moment donné dans le livre, il se demande même ("What in heaven's name had I done") ce qu'il a pu accomplir de bien pour mériter tant de bonnes choses dans la vie. Seul Dieu le sait.


Les Kiedis : père et fils

mercredi 10 novembre 2010

Henri Bosco : L'aube sur la rivière

La vallée de la Durance

 "Quand j'ouvris les yeux l'aube se levait. D'abord je vis le ciel. Je ne vis que le ciel. Il était gris et mauve, et seul, sur un fil de nuage, très haut, un peu de rose apparaissait. Le vent tissait, plus haut encore, d'autres fils à travers un treillis léger de vapeurs ; et, du côté de l'aube, une buée d'or pâle se levait lentement de la rivière. Un oiseau lança un appel, peut-être était-ce une bouscarle. Son cri hardi et coléreux éveilla le coassement discret d'une grenouille. Puis un vol de plumes mouillées froissa les touffes de roseaux et tout autour de notre barque le murmure confus des bêtes d'eau, encore invisibles, monta : tous les bruits, tous les soupirs, des mouvements furtifs, un clapotis, des gouttelettes, ce plongeon d'un rat effaré, là-bas, cet oiseau vif qui s'éclabousse, le choc d'un éboulis, le glissement d'une sarcelle qui se faufile entre les joncs, un rauque appel, la rousserole, tout à coup, le sifflet du loriot, et déjà, sous un saule du rivage, le roucoulement de la tourterelle... J'écoutais. Par moments la brise de l'aube passait sur ce monde irréel, ces lieux uniquement sonores, et les plantes des eaux s'éveillant en silence, pliées par le souffle, bruissaient doucement. La barque ne remuait pas. Comme un flotteur de liège, elle paraissait si légère qu'à peine tenait-elle à l'eau..."

Henri Bosco, L'enfant et la rivière, Gallimard.

Une bouscarle
Une sarcelle



Une rousserolle

Un loriot

lundi 8 novembre 2010

Henri Bosco : Nature Writing à la française



Le Nature Writing est un genre littéraire aux Etats-Unis dont l’action se déroule essentiellement au cœur d’une nature sauvage et grandiose. Parfois, c'est la nature elle-même qui tient le rôle principal dans le livre et l'auteur nous décrit longuement les beautés du paysage et la puissance des phénomènes naturels.
La France aussi a une tradition d’écrivains qui excellèrent dans la description de la vie rurale et campagnarde. Ces écrivains, tels Gide ou Giono, nous ont font partager leur amour quasi-religieux de la nature en des descriptions d'un lyrisme panthéiste.
Pour moi, c’est Henri Bosco qui dans « L’enfant et la rivière », à travers le récit des vagabondages du petit Pascalet sur la Durance, nous a laissé parmi les plus belles pages de la littérature française dans l'évocation des beautés de la nature. L'écriture de Bosco est simple et belle, délicate et sensible, sans fioritures ni grandiloquence. Elle est en harmonie et à la mesure des paysages qu'elle évoque.  Mais les livres de Bosco ont ceci de plus que par delà une histoire apparente, ils nous racontent une histoire bien plus profonde, celle de la vie de l’âme et ses transformations spirituelles. Les livres de Bosco sont des récits symboliques de la vie intérieure des héros.
Je vous propose ci-dessous quelques passages tirés de « L’enfant et la rivière » où l'auteur nous brosse des tableaux enchanteurs des paysages et de la rivière.
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"Je partis à travers les champs. Ah ! le coeur me battait ! Le printemps rayonnait dans toute sa splendeur. Et quand je poussai le portail donnant sur la prairie, mille parfums d'herbes, d'arbres, d'écorce fraîche me sautèrent au visage. Je courus sans me retourner jusqu'à un boqueteau. Des abeilles y dansaient. Tout l'air, où flottaient les pollens, vibrait du frémissement de leurs ailes. Plus loin un verger d'amandiers n'était qu'une neige de fleurs où roucoulaient palombes de l'année nouvelle. J'étais enivré."
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"Une heure après, j'étais au bord de la rivière.
Quelle splendeur ! L'onde était devenue limpide et le bleu d'un ciel vif, lavé, où le vent poussait en riant deux petits nuages, se reflétait sur ces eaux claires qui d'un grand mouvement fuyaient vers un horizon de collines. Le terrible courant central, crête de noir, ne troublait plus ce miroir lisse. La rivière riait entre ses rives colorées de rose par le jour qui se levait. Un martin-pêcheur voletait le long de l'île, et la brise du matin bruissait dans les roseaux."
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"Car il n'y avait pas de lune, sauf un croissant imperceptible, qui frôlait l'horizon au crépuscule, puis il disparaîssait. Nos nuits n'étaient qu'un empire d'étoiles.
Il en pendait de tous côtés et l'entrecroisement de leurs branches d'argent étincelait, en haut, sur l'ombre, tandis que, tout autour de nous, leurs milliers de feux purs luisaient sur les eaux immobiles. Nous flottions entre deux ciels calmes, hors du temps et de l'espace...
Les rainettes coassaient, par peuplades entières, quelquefois sauvagement.
Plus tard, chantait, non loin de nous, une tribu plus douce de crapauds. Je les aimais. Partout, plantes et eaux, rives et arbres, s'animaient, à la nuit tombée, d'une vie confuse et mystérieuse. Un canard s'ébrouait dans les roseaux ; une chevêche miaulait sur un peuplier noir ; un blaireau brutal fouillait un buisson ; une fouine, glissant de branche en branche, faisait imperceptiblement frémir deux ou trois feuilles ; au loin glapissait un renard rôdeur."

Henri Bosco, L'enfant et la rivière, Gallimard



 
Une rainette

Une chevêche