Sindbad PUZZLE

Retrouvez des chefs-d'oeuvre de la miniature persane et indienne en PUZZLES sur le site : http://www.sindbad-puzzle.com/

lundi 30 août 2010

Rûmi : question - réponse


"Cherche la réponse en ce même lieu d'où t'est venue la question"

Rûmi

jeudi 26 août 2010

Barjavel et le Paradis


"[Dieu] avait fait l'homme à son image, mais il l'avait pétri dans la boue qui contient en puissance toutes les pourritures. Il le pesa pourtant avec la même balance qu'il eût employée pour un pur esprit. C'était la vraie justice. L'homme s'il veut rester au Paradis, ou y entrer, doit se nettoyer de la boue dont il est fait."

René Barjavel


Pour tous les amoureux de l'œuvre de Barjavel ou tous ceux qui veulent mieux le découvrir, je recommande vivement le site http://barjaweb.free.fr/. Un site remarquable par l'importance des documents rassemblés sur la vie et l'oeuvre de René Barjavel et par le travail phénoménal et de qualité accompli par l'auteur du site.

mardi 24 août 2010

Barjavel : "Nous sommes tous les fils du même soleil"



"Tous les hommes sont frères, tous les vivants sont frères, l'homme, l'oiseau et l'arbre sont frères, nous sommes tous les fils du même soleil."

René Barjavel, in Collectif, La poésie contre le racisme, 1983

mardi 17 août 2010

Ramadan : "Dieu veut pour vous la facilité et non la difficulté" (2, 185)



Le verset 185 de la sourate 2 déclare :

"Le Coran a été révélé durant le mois de Ramadan. C'est une Direction (houda) pour les hommes ; une manifestation claire de la Direction et du Discernement (furqân). Quiconque d'entre vous verra la nouvelle lune jeûnera le mois entier. Celui qui est malade ou celui qui voyage jeûnera ensuite le même nombre de jours.
Dieu veut la facilité pour vous, il ne veut pas pour vous la difficulté (yuridu Allahu bikum al-yusra wa la yuridu bikum al-usra). Achevez cette période de jeûne ; exaltez la grandeur de Dieu qui vous a dirigés. Peut-être serez-vous reconnaissants." (Coran : 2, 185)

En lisant ce verset, on peut se demander si un jeûne s'étalant sur une durée de seize heures par jour et sur un mois est une tâche facile pour des musulmans vivant en Occident, ayant une activité professionnelle et pour beaucoup d'entre eux des obligations sportives (entraînements, compétitions...). Aucune personne sensée et de bonne foi ne peut affirmer que c'est là une chose facile. Ne serait-il pas alors envisageable que pour les musulmans de l'Occident, les théologiens réfléchissent sur ce sujet et édictent une fatwa autorisant les musulmans qui le souhaitent à suivre les horaires de La Mecque pour le début et la fin du jeûne. Il faut savoir que pour un musulman norvégien, la durée quotidienne du jeûne peut dépasser de huit heures celle d'un musulman habitant à La Mecque.
Il convient de ne pas oublier que le jeûne est avant tout une pratique religieuse visant à la purification de l'âme et à l'élévation spirituelle. Il doit être une période où le croyant se consacre à la réflexion et à la méditation du Coran et de la Sunna du Prophète. L'objectif du Ramadan n'est pas que le soleil voie le croyant rompre son jeûne ou d'épuiser littéralement le pratiquant en l'affamant. L'objectif du Ramadan est d'affaiblir suffisamment le corps pour dégager l'esprit des sollicitations charnelles et favoriser ainsi un pouvoir de concentration et de méditation plus fort.
De même qu'il imcombe à l'homme de pratiquer le jeûne, il lui incombe également d'essayer de trouver des solutions faciles et adaptées à son temps et à son environnement afin que la pratique religieuse soit rendue aisée et ne constitue pas un fardeau que l'on porte péniblement sur soi. Le Coran affirme clairement : "Dieu veut pour vous la facilité et non la difficulté" (2, 185). D'après ce verset, l'homme ne doit-il pas aller dans le sens de la recherche de la facilité dans les obligations religieuses ? Facilité de surcroît voulue par Dieu Lui-même pour l'homme.

vendredi 6 août 2010

Driss Chraïbi : les cinq piliers de l'islam



Le Passé Simple du marocain Driss Chraïbi, paru en 1954, a fait l'effet d'une bombe explosant en pleine figure à la face des Marocains et des colonisateurs français. L'auteur livrait une description sans concessions des travers de la culture islamo-marocaine loin des clichés bon enfant et exotiques véhiculés par la littérature de l'époque. Dans ce livre, Driss Chraïbi laisse exploser sa colère et sa révolte contre les traditions de son pays et contre un islam sclérosé utilisé comme outil d'oppression. Avec le Passé Simple et son verbe acerbe et novateur, l'auteur fit entrer le roman maghrébin d'expression française dans la modernité et convia son peuple à une réflexion sur les problématiques modernes du Maroc et de la civilisation musulmane.
Voici un extrait où Driss Chraïbi s'en prend à la pratique routinière et dévoyée des 5 piliers de l'islam. Le jeûne, au lieu d'être un moyen d'élèvation spirituelle, est pratiqué par les musulmans dans la mauvaise humeur et en passant une bonne partie de la journée à dormir. Pareil pour la Zakat dont l'islam a imposé l'obligation à tous les croyants par solidarité envers les plus démunis de la société. Si les couches sociales modestes s'en acquittent conciencieusement, en revanche, les riches emploient toutes sortes de subterfuges pour s'en soustraire.
Un texte à méditer à l'approche du mois de Ramadan.

L'extrait :

"Les cinq commandements de l'Islam sont par ordre d'importance :
- La foi ;
- les cinq prières quotidiennes ;
- le jeûne du Ramadan ;
- la charité annuelle ;
- le pèlerinage à La Mecque.
"Pour ce qui est du premier commandement, tout le monde croit en Dieu bien que le "Marocain moyen" n'en respecte pas les corollaires : on peut jurer et être parjure, mentir, être adultère, boire. Mais la foi est sauve et Dieu Très-Puissant et Très-Miséricordieux.
"En ce qui concerne les prières, seules les personnes âgées les font. Encore que ce soit pour la plupart d'entre elles une habitude ou un manifeste. De sorte que celui qui croit en Dieu, jeûne pendant le Ramadan, ignore le vin et le porc, fait ses cinq prières par jour et tire le diable par la queue, est presque automatiquement étiqueté saint, pourvu qu'il soit d'un certain âge, qu'il porte au cou un chapelet assez lourd et que sa barbe soit fournie.
"Mon grand-père est un saint à titre posthume ; parce qu'il était pauvre, pieux et lunatique.
"Le jeûne est généralement admis dans les croyances et partout suivi comme un rite millénaire. C'est-à-dire qu'en dehors de ceux qui sont obligés de travailler tous les jours pour subvenir à leurs besoins, les gens paressent dans leurs lits jusqu'à midi et font ensuite des parties interminables de poker ou de loto, pour tuer le temps et tromper la faim. Les jeux de hasards sont interdits par la loi et le Ramadan est un mois de recueillement et de prières. J'ai toujours vu mon père pendant ce jeûne d'une humeur particulièrement massacrante parce qu'il ne pouvait pas fumer. Il sortait faire un petit tour vers midi, rentrait et épuisait tous les sujets de conversation et toutes les occasions de dispute. Le soir, il redevenait le plus doux des hommes parce qu'il avait fumé et ne disait plus rien parce qu'il fumait jusqu'au matin.
"Quand le Prophète Mohamed a prêché le jeûne, c'était pour que tous, riches et pauvres, jeunes et vieux, souffrent pendant une période déterminée, de l'aube au crépuscule, de la faim dont souffrent éternellement et uniquement les pauvres ; pour inciter tout le monde à garder en dépit de cette souffrance même un caractère égal en tout lieu et en toute circonstance ; pour que cette abstinence d'aliments et de boissons, de jouissances vénériennes et autres, forge les caractères et les volontés et prédispose, en purgeant les corps et les cerveaux, à un état d'âme susceptible d'assimiler une élévation vers Dieu. Enfin pour que la vie, coupée un mois sur douze par un changement total d'habitudes, ne risque pas par sa monotonie de transformer les hommes en robots.
"Le quatrième commandement est défini par les lois suivantes :
- un prélèvement de 2,5 % sur les biens doit obligatoirement revenir aux pauvres;
- ce prélèvement est annuel et doit être aussi précis que possible ;
- les biens immeubles qui ne rapportent pas ne sont pas passibles de taux.
"Au Maroc, on a adopté le jour de l'An Hégirien pour l'enrichissement des pauvres. En fait, j'ai toujours vu ce jour-là une distribution de pièces de monnaie, de figues et de dattes, faite surtout par les épiciers et les petits commerçants. Les riches prennent leurs précautions à l'avance, transformant leurs biens liquides en biens immeubles qui, de par la loi islamique, ne sont pas imposables. De la sorte, ils n'ont rien à donner à personne et n'auront pas de compte à rendre à leur conscience, ni à Dieu. Le Prophète n'a pas prévu cette escroquerie subtile. Bien plus, les immeubles et les terres acquis ainsi peuvent décupler de valeur en un minimum de temps. C'est l'une des raisons qui expliquerait les affaires miraculeuses.
"Par ailleurs, il se peu que des pauvres réunissent ce jour-là une somme assez rondelette. Il se retrouveront le lendemain mendiants, attendu qu'ils auront envoyé l'argent récolté dans leur douar pour s'acheter un lopin de terre ou du bétail.
"Le pèlerinage à La Mecque est prétexte aux Marocains riches pour visiter les pays du Proche-Orient. Je cite le cas de mon père qui est resté trois ans absent ; soi-disant pour se recueillir sur la Kaaba, la sainte Pierre Noire. A son retour, venant du Hedjaz, il distribua des dattes de Médine et du bois de santal à ses proches et amis, heureux d'avoir même un grain de poussière du pays saint. Ma mère lèche encore une de ses fameuses dattes, la vingt-septième nuit du Ramadan, la Nuit du Pouvoir où "anges et démons fraternisent sur les gazons tapissés de pétales de roses, au paradis". Mon père tendit sa dextre en un geste magnanime et tout le monde la baisa et la baise encore en gratifiant son possesseur du titre honorifique de Haj, c'est-à-dire un type qui a été à La Mecque. Par la suite, il devait nous apprendre que la presque totalité de sa fortune avait fondu dans les tripots de Damas et du Caire. Mais il s'est réellement recueilli sur la Kaaba et a donc droit à son titre. Louange à Dieu très-haut, père de l'univers et roi du Jugement dernier !"

Driss Chraïbi, Le Passé Simple, Folio, pp. 208-211.

jeudi 5 août 2010

Ghalib : un poète libre-penseur

Mizra Assadullah Khan alias Ghalib
Aquarelle de Kailash Raj

Mirza Assadullah Khan (né en 1797 et mort à Delhi en 1869), de son nom de plume Ghalib, est considéré comme l'un des plus grands poètes de langue ourdoue. Sa vie nous est particulièrement bien connue par l'importance de ses écrits épistoliers. Bien qu'il écrivit également en persan, le nom de Ghalib est associé à la langue ourdoue qu'il mania avec une maîtrise rare dans la composition de ses ghazals (forme poétique caractérisée par des couplets rimés et rythmés). Ghalib vécut sous le règne du dernier souverain moghol Bahadur Shah (m. 1862) qui fut également poète et encouragea les arts et les belles lettres à Delhi.
Voici ci-dessous des extraits qui nous révèlent la personnalité puissante de ce poète qui passait pour un libre penseur, un provocateur et un amateur des plaisirs de la vie.

"Lorsqu'un jour quelqu'un loua la poésie du pieux pieux Sheikh Sahbai en sa présence, Ghalib se récria :

"Comment Sahbai pourrait-il être poète ? Jamais il n'a bu une goutte de vin ni joué aux cartes ; jamais il n'a reçu les coups de babouche d'une maîtresse ni vu une geôle de l'intérieur."

Dans sa correspondance il joue souvent de sa réputation de séducteur. A un proche ami dont la maîtresse venait de mourir et qui lui avait écrit en pleine détresse, Ghalib répondit :

"Mirza Sahib, je n'aime pas ta façon de te complaire dans le chagrin. Au temps de ma jeunesse dissolue, un homme d'une parfaite sagesse m'a tenu ces propos : "Je désapprouve l'abstinence ; je ne proscris pas la débauche. Mange, bois et sois heureux. Rappelle-toi, cependant, que la mouche avisée se pose sur le sucre, mais pas sur le miel." Eh bien, j'ai toujours suivi ce conseil. Tu ne pourras faire ton deuil qu'en reprenant goût à la vie. [...] Lorsque je pense au paradis et que je m'imagine, si toutefois on me pardonne mes péchés, installé dans un palais avec une houri, vivant pour l'éternité en compagnie de cette excellente femme, le désarroi et la crainte me gagnent. [...] Quel ennui de la savoir là - quel insupportable fardeau pour un homme ! Toujours le même palais d'émeraude ; toujours l'ombre du même arbre fruitier. Et - Dieu la protège - toujours la même houri à mon bras. Ressaisis-toi, mon frère, et prends une autre compagne.
 A chaque printemps, change de femme
Car l'almanach de l'année écoulée est inutilisable."
William Dalrymple, Le dernier moghol, Les Editions Noir sur Blanc, pp. 68-89