Sindbad PUZZLE

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mardi 11 janvier 2011

Le dernier message de Hallâj selon Massignon

"Transcendance", sculpture de Jocelyn Pratt


"Nous avons là cette double affirmation que la théologie dogmatique de Hallâj développera, et que sa prédication exposera : la pure transcendance divine, - et la présence de Dieu par sa grâce dans les âmes justes qu'elle vient sanctifier par les rites du culte. - L'ascèse négative de l'âme préconisée par Junayd n'est qu'une préparation ; l'ivresse délirante constatée chez Bistâmî n'est pas la vraie et durable présence de Dieu dans le mystique. Dans l'essence de l'union ('ayn al jam'), tous les actes du saint restent coordonnés, volontaires, et délibérés par son intelligence, - mais ils sont entièrement sanctifiés et divinisés. L'unité divine n'a pas pour résultat de détruire la personnalité du mystique, en la brisant aux rites (sabr, sahw) ou en la dissociant par l'ivresse extatique (sukr) ; elle la perfectionne, la consacre, la divinise et en fait son organe libre et vivant.
Telle est la découverte ultime, - et le dernier message exposé par la véhémente prédication de Hallâj après 295/907. Il crie sa joie d'avoir atteint, de posséder "Celui qui est au fond de l'extase", au delà du culte de la contrainte qui plie les uns à se figer dans le rite strict, - au delà du culte de l'enthousiasme qui entraîne les autres à s'exciter à l'extase par des objets créés et des procédés humains ; le terme de ces pratiques est la destruction idolâtrique de l'individualité aux pieds de la divinité impassible. Mais la mystique, selon Hallâj, n'aboutit pas là. L'union divine où elle se consomme sont des épousailles amoureuses où le Créateur rejoint enfin sa créature, où il l'étreint et où celle-ci s'épanche avec son Bien-aimé en dialogues intimes, familiers, brûlants et volubiles ; l'entretien devient continuel entre elle et cet Interlocuteur divin qu'elle possède tout au fond d'elle-même - usant avec lui du "toi et moi", - rapportant tout à lui et lui offrant tout, souffrances, désirs, regrets, espérances. Il n'y a pas de mystique arabe dont la langue amoureuse soit à la fois plus ardente et plus chaste que celle de Hallâj ; aucune transposition des symboles de l'amour profane n'en vient troubler l'élan."

Louis Massignon, La Passion de Hallâj, Gallimard, 1975, pp. 319-20

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