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samedi 5 mars 2011

Barjavel et les ayât du Coran

Les Muqarnas, éléments caractéristiques de l'architecture islamique, évoquant par leur profusion et leur forme géométrique en alvéole, la création perpétuelle de Dieu et l'harmonie dans l'Univers

L’Islam est considéré comme une religion naturelle. Le Coran se réfère énormément aux éléments et aux phénomènes naturels : vent, pluie, éclair... Il invite inlassablement l’homme à utiliser sa raison (‘aql) pour méditer sur la création et à voir en elle et dans sa merveilleuse harmonie, des signes (ayât) et des preuves de l’existence de Dieu. Le terme ayat (pl. ayât) dans le Coran est employé pour désigner tout à la fois les phénomènes naturels, les versets du Coran et les miracles accomplis par les prophètes. Ainsi, chaque phénomène naturel est un miracle et un verset (ayat) de Dieu et chaque verset du Coran est un miracle et un signe (ayat). L’univers est un livre et le Coran, un microcosme. Aux incrédules et aux incroyants qui demandaient à Muhammad d'apporter des preuves de l’existence de Dieu en accomplissant un miracle, le Coran les invitait simplement à tourner leur regard sur le monde. Tous les éléments de la création et leurs bienfaits, l’harmonie qui existe dans le monde sont autant de miracles et proclament l’existence d’un Créateur Puissant, Miséricordieux et Sage (lire ci-desous, Coran XVI, 3-18). Face à l’accumulation de tant de preuves dans la création, le Coran pose même la question de savoir s’il est possible de douter de l’existence Dieu. La création n’est que signes et témoignages, preuves et miracles.
En lisant « La faim du tigre » et « Demain le Paradis » de René Barjavel, que de passages de ces deux livres ne m’ont pas fait penser à des versets du Coran, à cette notion d’ayat et à tout cet argumentaire coranique reposant sur les miracles naturels pour affirmer l’existence de Dieu. Voici un extrait tiré de "Demain le Paradis".

"C’est un miracle comme il s’en produit des milliards de milliards, sans arrêt autour de nous et en nous. Nous n’y prêtons pas la moindre attention, parce que ces miracles sont habituels, banals, ordinaires.
Sauf accident ou incident, nous ne prêtons aucune attention au travail que fait en nous l’air qui nous traverse. Nous l’appelons sans y penser, par un mouvement automatique, dans notre corps qui ne saurait se passer de lui plus de trois minutes sans périr. Nous ne nous mêlons pas de surveiller l’aller et le retour en nous de ce fluide qui est en même temps notre principale nourriture et le grand éboueur de notre organisme.[…] Mais nous devrions savoir que l’air est en nous, toujours, qu’il entre et qu’il sort après avoir travaillé pour nous, sans cesse. Et parfois, avoir pour lui une pensée de profonde gratitude et d’amitié. Même s’il pue. Ce n’est pas sa faute mais la nôtre. […]
Si on regarde autour de soi avec amitié, alors on rencontre une feuille transpercée par la lumière, l’œil d’un enfant qui verra un soir les étoiles, le vol parfait d’un oiseau, la mystérieuse moustache du chat, l’arabesque d’un geste, l’éclatement et la fraîcheur d’une goutte de pluie sur le dos de la main… Et la connaissance et l’émerveillement s’approchent…
Je voudrais écrire des milliers de pages émerveillées pour apprendre à mes lecteurs la joie d’être un vivant dans le monde miraculeux de la vie. Mais il faudrait plus de temps qu’il ne m’en reste.
Des phrases imprimées ne sont d’ailleurs pas nécessaires. Le monde est un livre ouvert. Autour de nous, il nous présente ses messages, les infinies variations de sa beauté, et ses certitudes. Chacun peut y lire directement ce qui lui est offert, et offert à tous. Il lui suffit d’ouvrir sa curiosité, son intelligence et son cœur." René Barjavel, Demain le paradis, Denoël, pp. 77-79

Les versets ci-dessous (Coran XVI, 3-18) illustrent particulièrement bien la notion d'ayat pour se référer aux phénomènes naturels. On remarquera l'insistance coranique à attirer l'attention de l'homme sur la création en énumérant longuement les différents éléments de la nature et en rappelant continuellement les bienfaits qu'ils apportent à l'homme. On relèvera aussi les encouragements répétés du Coran à utiliser la raison ('aql) pour réfléchir sur cette création. On ne peut manquer de songer ici à cet admirable travail de réflexion auquel Barjavel s'est livré en observant le fonctionnement de l'oreille humaine dans La Faim du tigre et celui de l'oeil dans Demain le Paradis pour nous démontrer que l'extrême ingéniosité de leur constitution ne peut être le fruit du hasard.  Barjavel musulman ? Je ne sais pas. Peu importe d'ailleurs. En tout cas, son admirable travail d'observation de la création devrait constituer un modèle de la démarche intellectuelle que tous les musulmans se doivent de pratiquer sur les Signes (ayât) de Dieu.
En lisant les versets suivants, on gardera à l'esprit les trois acceptions du mot ayat : verset, signe, miracle.

"Il [Dieu] a créé les cieux et la terre en toute vérité.
Il est très élevé au-dessus de ce qu'on lui associe !
Il a créé l'homme d'une goutte de sperme,
et voilà que celui-ci se montre querelleur.
Il a créé pour vous les bestiaux.
Vous en retirez des vêtements chauds,
d'autres avantages encore
et vous vous en nourrissez.
Ils vous semblent beaux
quand vous les ramenez le soir
et quand vous partez au matin.
Ils portent vos fardeaux vers une contrée
que vous n'atteindriez qu'avez peine.
- Votre Seigneur est bon et miséricordieux -
Il a créé pour vous
les chevaux, les mulets et les ânes,
pour que vous les montiez et pour l'apparat.
Il crée pour vous ce que vous ne savez pas !
La voie droite appartient à Dieu ;
certains s'en détachent,
mais Dieu vous dirigerait tous,
s'il le voulait.
C'est lui qui fait descendre du ciel
l'eau qui vous sert de boisson
et qui fait croître les plantes
dont vous nourrissez vos troupeaux.
Grâce à elle, il fait encore pousser pour vous
les céréales, les oliviers, les palmiers, les vignes
et toutes sortes de fruits.
Il y a vraiment là un Signe (ayat)
pour un peuple qui réfléchit !
Il a mis à votre service
la nuit, le jour, le soleil et la lune.
Les étoiles sont soumises à son ordre.
Il y a vraiment là des Signes (ayât)
pour un peuple qui comprend !
Ce qu'il a créé pour vous sur la terre
est de couleurs variées.
Il y a vraiment là un Signe (ayat)
pour un peuple qui réfléchit !
C'est lui qui a mis la mer à votre service
pour que vous en retiriez une chair fraîche
et les joyaux dont vous vous parez,
- Tu vois le vaisseau fendre les vagues avec bruit -
pour que vous partiez à la recherche de ses bienfaits.
Peut-être serez-vous reconnaissants !
Il a jeté sur la terre des montagnes comme des piliers
- afin qu'elle ne branle pas et vous non plus -
des rivières,
des chemins qui serviront peut-être à vous guider
et des points de repères.
- Les hommes se dirigent d'après les étoiles -
Celui qui crée
est-il semblable à celui qui ne crée pas ?
Ne réfléchissez-vous pas ?
Si vous comptiez les bienfaits de Dieu,
vous ne saurez les dénombrer.
Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux."

Traduction du Coran par Denise Masson, Folio

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