Sindbad PUZZLE

Retrouvez des chefs-d'oeuvre de la miniature persane et indienne en PUZZLES sur le site : http://www.sindbad-puzzle.com/

mardi 29 janvier 2013

Sisley : Chemin montant au soleil

Chemin montant au soleil, A. Sisley, 1893


Le sentier qui monte et se perd à l’horizon est un thème récurrent dans l’œuvre de Sisley, mais jamais encore il n’avait revêtu l’importance que lui donne le Chemin montant au soleil. C’est probablement dans la tradition hollandaise du XVIIe siècle, chez Hobbema en particulier, qu’il faut en chercher la source. La route qui relie le premier plan au lointain, ménage une percée spectaculaire au centre de la toile et induit une vision allant au-delà du visible.
La structure de l’espace, toujours primordiale chez Sisley, représente ici une véritable prouesse, car le fort escarpement du coteau sur la droite et la montée abrupte du raidillon sont restitués sans le concours de la moindre verticale. Seules des formes arrondies, la meule sur le talus de gauche, les bouquets d’arbres vers le fond du vallon et les deux belles frondaisons centrales suggèrent les différences de niveaux. L’étagement des plans est rendu de façon très rigoureuse par la succession des ombres, d’un arbre invisible, des petits personnages, du clocher au fond. Ce procédé, Sisley l’applique également au ciel : « Le ciel a des plans comme les terrains » écrit-il. Les nuages blancs prestement enlevés sur le bleu intense du ciel, auquel répondent les accords orangés et ocre de la végétation, assoupis par le plein soleil de l’après-midi, impriment à l’œuvre une cadence qui lui confère cette sorte de silence méditatif propre aux meilleures œuvres de Sisley.

Source : Musée des Beaux-Arts de Rouen

lundi 28 janvier 2013

Les roses de Saadi

Œuvre de Mahmoud Farshian



Les roses de Saadi

J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir.

Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ;

La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.

Marceline DESBORDES-VALMORE (1786-1859)

Mother India

Mother India, MF Husain



"[...] car c'était l'Inde Mère elle-même, l'Inde Mère avec son faste criard et son mouvement inépuisable, l'Inde Mère qui aimait, trahissait, mangeait et dévorait ses enfants puis qui les aimait de nouveau, ses enfants dont les relations passionnées et les querelles sans fin allaient bien au-delà de la mort; elles s'étendaient dans les immenses montagnes comme des exclamations de l'âme, et le long des larges fleuves charriant miséricorde et maladie, et sur les plateaux arides ravagés par la sécheresse sur lesquels des hommes entamaient la terre stérile à la pioche; l'Inde Mère avec ses océans, ses palmiers, ses rizières, ses buffles aux trous d'eau, ses grues aux cous comme des portemanteaux perchées sur la cime des arbres, et des cerfs-volants tournant hauts dans le ciel, et les mainates imitateurs, la brutalité des corbeaux au bec jaune, une Inde Mère protéenne qui pouvait devenir monstrueuse, qui pouvait n'être qu'un ver sortant de la mer avec le visage d'Epiphania emmanché d'un long cou squameux; qui pouvait devenir meurtrière, qui dansait avec la langue de Kali et le regard qui louche pendant que mourraient les multitudes; mais au-dessus de tout, au centre exact du plafond, au point où convergeaient les lignes de toutes les cornes d'abondance, l'Inde Mère avec le visage de Belle." (Folio poche - p. 105)

Source : Salman Rushdie, Le dernier soupir du Maure, Folio

dimanche 27 janvier 2013

Adriaen Coorte : Groseilles à maquereau

Adriaen Coorte, Groseilles à maquereau, 1701

Peut-être, au bout du compte, le temps qui a rendu à l'anonymat cette peinture sur papier contrecollé sur un bois lui a-t-il donné le seul sens qui vaille ? La signature peinte sur l'épaisseur de la pierre sur laquelle est posée cette branche de groseilles à maquereau ne désigne plus personne. Adriaen Coorte est né vers..., est mort vers... Il a peint. Point. Inutile de chercher à savoir ce qu'il fut. De la même manière des monogrammes peints sur telle et telle toile de cette même époque ne désignent plus aucun nom. Seule demeure une énigme, seule demeure l'énigme qu'est l'oeuvre. Au moins l'anonymat de ces oeuvres épargnent ces commentaires imbéciles qui forgent d'une manière inconséquente des explications biographiques. 
Reste à regarder la pulpe sensuelle de ces groseilles qui ne sont pas si différentes des grenades et qui, comme elles, désignent l'immortalité. Ce qui n'exclut pas qu'elles mettent en évidence la fécondité de la Vierge comme la résurrection du Christ. Ce qui n'interdit pas d'y reconnaître la charité chrétienne offerte à tous les hommes. Ou peut-être la communion au sein de l'Eglise...

Source : Pascal Bonnafoux, Vies silencieuses. Natures mortes du siècle d'or hollandais, in Beaux-Arts, Juillet 1999

Jan Davidsz de Heem, Livres sur une table

Jan Davidsz de Heem, Livres sur une table, 1628



Sans doute la table sur laquelle ces livres ont été abandonnés est-elle dressée dans un cabinet. Qu'importe que l'on puisse ou que l'on ne puisse pas, ici ou là, lire les titres des volumes ouverts. Ces livres sont ce que l'homme sait ou croit savoir. Ils sont les signes de sa connaissance comme ils sont le signe de ses doutes, de ses angoisses peut-être. Et ces livres ouverts, ces livres lus et relus, ces livres annotés sans doute, murmurent ensemble la même phrase de l'Ecclésiaste : "Vanité des vanités, tout est vanité." Ou peut-être invitent-ils le lecteur à se ressouvenir encore et encore de l'Imitation de Jésus-Christ et à répéter : "Vanité de s'attacher à ce qui passe si vite et de ne pas se hâter vers la joint qui ne finit point." Ces livres abandonnés sont des vanités. Ils assènent tous la même certitude de l'Ecclésiaste (ch, 1, 8) : "L'oeil n'est pas rassasié de ce qu'il voit ni l'oreille remplie de ce qu'elle entend." Implacables, ils somment de ne pas oublier cet ordre de l'Imitation : "Vivez sur la terre comme un voyageur et un étranger à qui les choses du monde ne sont rien." Cette nature morte conduit à la méditation qui est celle de Faust selon Goethe : "Il me faudra peut-être lire ces milliers de volumes, pou y voir que les hommes se sont tourmentés sur tout."

Source : Pascal Bonnafoux, Vies silencieuses. Natures mortes du siècle d'or hollandais, in Beaux-Arts, Juillet 1999

Daniel Seghers : Vase de fleurs

Daniel Seghers, Vase de fleurs, vers 1635


Inconséquent méprise que de ne vouloir regarder dans un pareil bouquet que l'enchevêtrement baroque des formes, des couleurs et des matières.
Cette composition n'est pas que le froissement de satin ou de soie d'un pétale, que l'épaisseur charnue d'une feuille ou la transparence d'un verre.
Les tulipes sont un signe de la vanité de la collection, de la curiosité, comme les roses désignent l'amour miséricordieux de la Vierge. Et le bleuet ne peut qu'évoquer la double nature de l'incarnation du Christ pour le sacrifice et la rédemption. C'est le Christ, toujours, que désigne l'ancolie dont chacun des sept pétales s'accorde aux vertus théologales que sont la foi, l'espérance et la charité comme aux vertus cardinales que sont la prudence, la justice, la tempérance et la force. C'est la vertu encore que symbolisent le chardon et la châtaigne protégés l'un et l'autre par des piquants hérissés. Ailleurs, les cinq pétales de l'églantine comme les cinq pétales de la pensée parlent des cinq plaies du Christ. Et l'oeillet évoque encore la rédemption par la Passion du Christ. En revanche, il revient à la jacinthe et au narcisse d'évoquer la mort comme au pavot de désigner le sommeil éternel.

Source : Pascal Bonnafoux, Vies silencieuses. Natures mortes du siècle d'or hollandais, in Beaux-Arts, Juillet 1999